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Graphène. Un matériau qui donne de l'espoir

Collectivement, nous reconnaissons l'importance de vulgariser l'art et la science à des fins éducatives puisque, comme on le sait, ce duo est le fondement du progrès humain. À cet égard, la vulgarisation scientifique est un véritable défi. Ce terme provient du latin vulgaris, qui signifie « peuple », cette expression péjorative utilisée par les membres de la « royauté » pour désigner la classe la moins considérée de la société. La vulgarisation ne se limite pas à la divulgation, mais s’occupe aussi d’une tâche plus particulière et remarquable, celle de rendre la science accessible aux masses. L'objectif est de favoriser la compréhension de la science de manière didactique et d'encourager la créativité, en particulier pour les nouvelles générations, afin qu'elles puissent appliquer les principes scientifiques de base à leurs tâches quotidiennes. De cette manière, des outils sont fournis pour répondre aux besoins locaux; l'autodétermination et la gestion durable et responsable des ressources sont promues. Dans le cadre de ce texte, nous tenterons de vulgariser l'information au sujet d'un matériau qui pourrait être qualifié de « nouveau-né ». Étonnamment, sa découverte dispose de peu de couverture dans les médias traditionnels. Heureusement, plusieurs membres de la communauté scientifique, et non scientifique, diffusent de plus en plus d'information à son sujet, en particulier sur les réseaux sociaux et par le biais de conférences TED. Ce matériau mystérieux est appelé graphène, et certaines personnes à travers le monde ont osé le qualifier de « matériau de Dieu » ou « matériau du futur » parce que ses propriétés font rêver d'un avenir où on pourrait atteindre l'harmonie avec la nature.




Le graphène, un dérivé du graphite.


Le graphène est une autre façon d'accommoder les atomes de carbone (C), cet élément chimique qui est l'un des plus abondants sur Terre. À titre d'exemple, le graphite, le charbon combustible ou le diamant sont d'autres façons de trouver des atomes de carbone disposés dans la nature. On pourrait dire que le graphène est un sous-produit du graphite (ce matériau que nous utilisons dans notre crayon à papier ou notre pousse-mine). Le graphène a été isolé seulement en 2004 par des professeurs de l'Université de Manchester, les Drs. Andre Geim et Kostya Novoselov(1). Cela leur a valu l'obtention du prix Nobel de physique en 2010. Ce que l'on appelle « graphène » est en fait une feuille, dont les atomes de carbone sont configurés en forme d’alvéoles de nid d’abeilles. Cette structure d'une épaisseur d'un seul atome de carbone est la plus mince, la plus légère et la plus résistante jamais connue, en plus d'être transparente(2).


Des propriétés qui révolutionneraient le monde.


Parmi les propriétés les plus remarquables du graphène se distingue, entre autres, sa grande conductivité électrique. Il est vingt fois meilleur conducteur que le cuivre ou l'or et environ deux cents fois plus solide que l'acier. Grâce à ses propriétés de flexibilité et de transparence, il existe un nombre infini d'applications, certains qui sont présentement développées et d’autres qui sont en train d’être imaginées. Ces applications vont de la fabrication de fenêtres revêtues d'une couche transparente de graphène permettant la capture de l'énergie solaire pour sa conversion en l'électricité à la construction d’un avion électrique auto-suffisant(3). Une étude récente démontre la capacité du graphène à dessaler l'eau de mer(4), c’est à dire à en éliminer le sel pour la rendre potable, ce qui pourrait immédiatement bénéficier aux régions qui souffrent de sécheresse. Il serait même possible d'utiliser un appareil de poche pour purifier l'eau potable et la consommer n’importe où dans le monde. En effet, un autre groupe de recherche est en charge du développement de filtres de graphène pour éliminer l'arsenic et d'autres métaux lourds(5) polluants, déchets habituellement laissés par l'industrie minière. Un autre groupe évalue sa biocompatibilité et sa capacité de régénération tissulaire(6). D'autres l'utilisent déjà pour faire des séquences d'ADN, ainsi que pour le diagnostic et le traitement de certains types de cancer(7), ce qui changerait sans aucun doute l'avenir de la médecine. Le graphène peut être enroulé et est imperméable à l'eau. On peut aussi l'étirer et le rétrécir jusqu'à 20%, ce qui permet la construction de dispositifs pliables, ou des vêtements et accessoires résistant flexibles avec des dispositifs intégrés. Il possède la plus grande mobilité (électronique) intrinsèque, cent fois plus que celle du silicium, le matériau utilisé depuis longtemps dans les appareils électriques existants. Certaines équipes de recherche croient qu'il est possible de remplacer complètement le silicium par le graphène, ce qui représenterait une véritable révolution technologique(8). Il est également proposé en tant que composant de super-batteries(9). Cela serait utile par exemple pour les automobiles qui pourraient être rechargées en quelques heures, voire quelques minutes, et dont la performance pourrait durer plusieurs jours ou, à défaut, sur des centaines de kilomètres (km). On pourrait pratiquement dire au revoir à la consommation du pétrole.


Écologique et biodégradable.


Les matériaux, tels que le cuivre, l'or, l'acier, le lithium ou le silicium, utilisés industriellement pendant des décennies sous prétexte du progrès pour les humains, sont loin d'être bénéfiques pour l'environnement. Ses processus d'extraction et de traitement nécessitent l'utilisation de millions de litres d'eau. Il est prouvé qu'ils entraînent la dévastation des territoires, de la pollution et des déplacements de communautés. C'est aussi le cas du plastique, dont l'utilisation et l'élimination irresponsables ont entraîné la détérioration de plusieurs de nos écosystèmes parce qu'ils prennent des centaines ou de milliers d'années à se décomposer. Contrairement à tous ces matériaux précédemment nommés, le graphène est biodégradable(10) et peut être obtenu par un procédé simple et économique. Il s'agit de la méthode du scotch-tape, mise au point par les lauréats du prix Nobel lors d'un moment de loisir et de créativité. Ainsi, ces chercheurs ont eu l'idée d'utiliser simplement un ruban adhésif collé puis retiré à maintes reprises sur un morceau de graphite jusqu'à l'obtention de la fine couche de graphène. Après plusieurs tentatives et à l'aide de microscopes et d'autres équipements de pointe, un échantillon mesurant entre 0,35 et 1 nanomètre (nm) a été obtenu. L'équipe de recherche a ainsi pu corroborer certaines de ses propriétés fascinantes. Comme le témoigne ce long processus d'essai-erreur, la production à grande échelle de graphène pour réaliser toutes ces applications nanotechnologiques potentielles est un défi. Évidemment, il ne serait pas pratique de le produire à grande échelle par la technique du ruban adhésif, mais des milliers de chercheures et de chercheurs du monde entier travaillent déjà à réduire son coût de production et à équilibrer son impact environnemental.


Nanomètres et nanotechnologies.


Qu'est-ce que « nano » ? Nano est un mot grec qui est utilisé pour décrire quelque chose de très petit. Pour mieux le visualiser, rappelons-nous qu'un mètre (m) correspond plus ou moins à la distance du bout de ma main étendue horizontalement à ma poitrine. Si nous divisons ce mètre par mille parties égales, nous obtiendrons des millimètres (mm). Chaque millimètre est la taille d'une puce et il est entendu que nous pouvons toujours le voir à l'œil nu. Maintenant, nous divisons un millimètre par mille parties égales et nous aurons des micromètres (um). C'est déjà assez petit, n'est-ce pas? C'est la taille des cellules qui se trouvent dans les organismes vivants et pour les voir nous avons besoin d'au moins un microscope optique commun. Enfin, divisons un micromètre par un autre millier et nous obtiendrons les nanomètres. C’est là l’origine du mot nanotechnologie, qui comprend l'étude, la conception, la création, la synthèse, la manipulation et l'application de matériaux, de dispositifs et de systèmes fonctionnels par le contrôle et l'exploitation des phénomènes et des propriétés de la matière à l'échelle nanométrique(11).



Nanoplastique dans l'eau.


Une professeure de l'Université McGill à Montréal, Nathalie Tufenkji, a publié des articles scientifiques au sujet de la présence de micro et nanoplastiques (micro & nanobeads) dans les milieux aquatiques(12), ainsi que dans les produits d'hygiène personnelle(13). Il s'agit d'un phénomène très grave. En conséquence, la présence de micro et nanoplastiques dans diverses marques commerciales d'eau embouteillée au Canada(14), ainsi que dans d'autres pays(15), a été signalée dans certains médias. Des études ont ainsi révélé que 93% de l'eau embouteillée dans le monde était contaminée par ces micro-plastiques. Le Canada possède de l’eau en abondance. Pourtant de nombreuses personnes sont convaincues qu'elles doivent consommer de l'eau embouteillée, et ce, malgré que les répercussions de l'utilisation du plastique soient de plus en plus rendues visibles. Nous savons maintenant que l'eau vendue en bouteille, qu'il s'agisse de plastique ou de verre, est contaminée parce que dans le processus de fabrication des bouchons, qui sont en plastique, il y a une usure et une contamination inévitable à une échelle qui n'avait pas été prévue auparavant. Malheureusement, ces nanoparticules de plastique sont transportées dans l'eau sans être aperçues. Dans un autre cas similaire, l'industrie a convaincu les consommateurs/trices qu'ils/elles avaient besoin de produits de beauté et de soins personnels avec des «exfoliants en plastique» (microbeads). Des petites sphères en plastique d'un diamètre inférieur à 1 mm ont donc été ajoutées par les fabricants dans beaucoup de ses produits. À ce stade, nous sommes déjà conscients des ravages causés par le plastique à l'échelle macro dans le monde, et ces micro-sphères ne sont pas en reste. Grâce à l'engagement et à la dénonciation des équipes de recherche, le gouvernement canadien a décidé d'agir et de bannir l'utilisation de ces microbeads ou micro-plastiques «exfoliants»(16), finalement classés comme toxiques. En effet, ces nanoparticules, lorsqu'elles sont consommées par les êtres humains puis éliminées, par exemple dans les toilettes ou la douche, finissent par se déverser et s'accumuler dans la terre, dans les rivières ou dans la mer.


Notre responsabilité générationnelle.


Ce n'est pas un mythe que le mode de vie proposé par le système actuel de consommation détruit les ressources de la planète, contaminant l'eau, l'air et la terre. Nous n'avons pas d'autre choix que de nous informer collectivement au sujet de la consommation écoresponsable et autosuffisante, en approfondissant des thèmes tels que l'agriculture urbaine, l'éducation alternative (pédagogique), les ateliers scientifiques et artistiques. Surtout, nous devons promouvoir la diffusion de ces nouveaux savoirs. Les cas d'intérêt public, tels que la présence de nanoplastiques dans l'eau, ne peuvent et ne doivent pas passer inaperçus. La société sera plus consciente si l'information, tant qu'elle est vérifiable, est diffusée de manière pédagogique et facilement compréhensible, sans oublier que l'industrie doit assumer sa responsabilité, et pas seulement lorsqu'elle est ordonnée par la loi. Le Canada a interdit l'utilisation des microbeads et semble élaborer des lois pour éliminer l'utilisation de toute forme de plastique. Cependant, les entreprises, tant qu'elles ne sont pas affectées économiquement, pourraient continuer leurs pratiques dans les pays où cette information n'est pas disponible, où la majorité ne dispose pas des ressources suffisantes pour payer le droit d'y avoir accès, et où le soutien et l'engagement du gouvernement envers les populations est inexistant. Le secteur académique et scientifique a la possibilité de catalyser le processus d'apprentissage et de sensibilisation de masse. Les réseaux sociaux sont également un moyen pour vulgariser et diffuser la production de la connaissance. Optons pour que ce ne soit pas stagné dans les mains des grands groupes éditoriaux. «Les arts et les sciences doivent être enseignés ensemble», ont suggéré de nombreux intellectuel.e.s, comme la scientifique afro-américaine Dr. Mae Jemison(17) en 2002, et ce n'est pas un caprice. Le secteur scientifique nécessite cette créativité intrinsèque au développement artistique. Le graphène n'est qu'un exemple et il est inévitable de le voir comme un espoir quand on regarde le progrès dans sa recherche. Par exemple, il y a des idées pour développer la fabrication de membranes de graphène pour purifier l'eau et éliminer des nanoparticules et microparticules plastiques. Nous devons garder à l'esprit que si nous voulons parvenir à une relation harmonieuse avec la Mère Terre, il faut promouvoir plus de soutien aux arts et aux sciences et favoriser la curiosité intellectuelle.


Iván Alejandro Velasco-Dávalos

Dr. en Science de l’Énergie et des matériaux à l’INRS – U. du Québec

M.S. et Génie. en Métallurgie et matériaux à l’IPN-México


Un grand remerciement à Marie Bordeleau pour la révision de ce texte.




















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